PEA et compte-titres : deux logiques d'investissement complémentaires

Article rédigé le lundi 8 décembre 2025.

« Ouvrez un PEA, c’est fiscalement imbattable ! » Qui n’a jamais entendu ce conseil lancé comme une vérité absolue ? De génération en génération d’investisseurs, le PEA est présenté comme la voie royale pour investir en actions. Et il faut reconnaître que son avantage fiscal a de quoi faire rêver : après cinq ans de détention, les plus-values et dividendes capitalisés échappent à l’impôt sur le revenu. Seuls les prélèvements sociaux de 17,2 % subsistent.

En comparaison, le compte-titres ordinaire (CTO) paraît bien moins séduisant : flat tax à 30 % sur les gains, taxation immédiate des dividendes, aucune exonération dans le temps… Sur le papier, on croirait le match plié d’avance.

Mais la réalité patrimoniale est rarement aussi simple. Le PEA, malgré sa puissance fiscale, comporte des contraintes structurelles fortes. Le CTO, quant à lui, cache un piège que peu d’investisseurs anticipent : la fossilisation des plus-values latentes. Ce piège n’est même pas tendu par l’administration fiscale : il l’est souvent par l’investisseur lui-même, qui refuse de vendre par crainte de payer de l’impôt. Et son portefeuille finit par se figer — parfois pendant des décennies.

C’est pourquoi, plutôt que d’opposer ces deux enveloppes, nous proposons de les analyser sous deux prismes fondamentaux : ce qui érode la capitalisation et ce qui complique la gestion du portefeuille dans le temps.

 

 

Sommaire

  1. La fiscalité comparée : comprendre ce qui érode la capitalisation
  2. Les contraintes structurelles du PEA
  3. Le piège méconnu du CTO : la fossilisation par les plus-values
  4. Quelle stratégie selon votre situation ?
 
 

1. La fiscalité comparée : comprendre ce qui érode la capitalisation

 

 

Le cadre fiscal du PEA

Le PEA brille par sa simplicité fiscale : tant que les fonds restent investis, aucune imposition ne vient grignoter la performance. Après cinq ans, les gains sont exonérés d’impôt sur le revenu : seuls les prélèvements sociaux (17,2 %) s’appliquent lors d’un retrait.

 

 

Le cadre fiscal du compte-titres

Le CTO taxe au fil de l’eau. Les dividendes sont imposés l’année même où ils sont perçus. Les plus-values sont taxées lorsqu’elles sont réalisées. Le taux n’est pas le seul le problème : c’est la granularité de la fiscalité.

Chaque dividende versé, chaque arbitrage, chaque ajustement du portefeuille déclenche automatiquement une imposition. Année après année, cette mécanique réduit progressivement la capacité de capitalisation.

 

Un cas pratique chiffré sur 20 ans

Imaginons un investisseur qui place 100 000 € avec une performance annuelle moyenne de 7 % (4 % de hausse des prix, 3 % de dividendes) et qui liquide son placement.

 

Dans un PEA

Les dividendes sont intégralement réinvestis.
Au bout de 20 ans :
– capital brut : 386 968 €
– gains : 286 968 €
– prélèvements sociaux : 49 358 €
Capital net : 337 600 €

 

Dans un CTO

Les dividendes sont taxés chaque année à 30 %, si bien que seuls 2,1 % (sur les 3 %) se capitalisent réellement.
La hausse des prix (4 %) est taxée à la sortie.

En appliquant un modèle simplifié :
Capital net : environ 290 000 €

 

L’écart

L’économie liée à l’absence d’IR à la sortie du PEA est de 36 700€ (387k€ X 12,8%). Donc le gain lié à l’absence de fiscalité en cours de vie par rapport au CTO est de 12k€. Cela peut paraitre modeste. Mais c’est tout de même 12% du montant placé.

Un avantage réel — mais pas écrasant. Il reste conditionné à la capacité d’utiliser pleinement le PEA, ce qui n’est pas le cas de tous les investisseurs. Avantage qui pourrait être mis à mal par une augmentation des prélèvements sociaux.

Pour notre part, nous allons au-delà de la comparaison de fiscalité. L’absence d’érosion qui permet le PEA, c’est d’abord plus de capacité de réinvestissement et/ou de diversification dans un portefeuille.

 

 

2. Les contraintes structurelles du PEA

 

 

Le plafond de versement : 150 000 €

C’est la première grande limite : une fois 150 000 € versés, impossible d’ajouter de nouveaux capitaux, même en procédant ensuite à des retraits.

Au-delà de ce plafond, il faut nécessairement recourir à d’autres enveloppes :
PER, contrat de capitalisation, assurance-vie, compte-titres.

 

 

L’éligibilité limitée des titres

Le PEA ne permet d’investir que dans des actions européennes ou des fonds fortement investis en Europe. Impossible d’acheter directement des actions américaines, asiatiques, des obligations ou des fonds obligataires.
Cela limite la diversification, en particulier pour s’exposer aux secteurs les plus dynamiques.

 

 

L’impossibilité de transférer des titres existants

Un portefeuille logé dans un CTO ne peut pas être transféré dans un PEA. Pour migrer, il faut vendre, verser les liquidités dans le PEA et enfin racheter — ce qui déclenche immédiatement la fiscalité sur les plus-values.

 

Autre point souvent méconnu :
au décès, le PEA est soumis aux prélèvements sociaux, alors que le CTO bénéficie d’une purge totale des plus-values latentes pour les héritiers.

 

 

 

3. Le piège méconnu du CTO : la fossilisation par les plus-values

 

 

Le mécanisme de la fossilisation

Dans un CTO, tant que l’on ne vend pas, rien n’est taxé. À première vue, cela semble avantageux. Mais plus les plus-values latentes augmentent, plus l’arbitrage devient coûteux fiscalement.
C’est ainsi que les portefeuilles se figent : l’investisseur ne vend plus par crainte de payer l’impôt.

 

 

Un cas pratique révélateur

Monsieur Contribuable, 58 ans, détient un CTO ouvert en 2010 avec 150 000 €.
En 2025 :
– valeur : 420 000 €
– plus-values latentes : 270 000 €
– impôt potentiel : 81 000 €

À l’approche de la retraite, il voudrait réduire son exposition aux valeurs technologiques. Mais vendre signifierait sacrifier une part importante de ses gains. Il ne bouge plus — son portefeuille est fossilisé.

 

 

Les conséquences concrètes

– impossibilité de rééquilibrer
– concentration excessive sur les valeurs gagnantes (du moment… Clic clac, merci Kodak…)
– allocation devenue inadaptée
– aversion au changement

 

 

La fossilisation, un héritage de la flat tax 

Avant 2018, le régime des abattements réduisait progressivement la base imposable :
– 50 % après 2 ans
– 65 % après 8 ans

Mais, ce système n’était pas forcément plus favorable.
Exemple simple :
100 € de plus-value, après abattement de 65 %, deviennent 35 €.
Avec une TMI de 41 %, l’impôt est de 14,35 €, supérieur à la flat tax de 12,8 €.

Aujourd’hui, que l’on vende après un an ou vingt ans, le taux est identique : 30 %.
D’où la difficulté psychologique de vendre après de fortes plus-values.

 

 

4. Quelle stratégie selon votre situation ?

 

 

Le PEA comme enveloppe prioritaire… avec nuances

Il est optimal si :
– votre capital est inférieur ou égal à 150 000 €
– votre horizon est long
– vous êtes exposé à l’Europe

 

Le compte-titres comme complément indispensable

Il devient essentiel si :
– vous dépassez le plafond du PEA
– vous souhaitez diversifier hors Europe
– vous investissez en obligations
– vous avez besoin d’une flexibilité totale sur les retraits et versements

 

 

Les stratégies pour limiter la fossilisation du CTO

 

1. Réaliser régulièrement de modestes plus-values

Mieux vaut lisser la fiscalité que de la subir en une seule fois. Payer régulièrement de l’impôt c’est aussi une stratégie pour limiter les conséquences d’un alourdissement de ces derniers, certains se souviennent d’une époque où les prélèvements sociaux n’étaient qu’à 12,10 %, contre 17,2 % aujourd’hui — une hausse continue qui interroge.

 

2. Utiliser les moins-values latentes

Elles permettent de compenser fiscalement les gains.
Attention : elles doivent être déclarées via le Cerfa 2074, sous peine d’être perdues.

 

3. Accepter parfois de payer l’impôt

Si votre portefeuille n’est plus aligné avec vos objectifs ou votre profil de risque, ou que celui-ci est concentré sur quelques titres, payer aujourd’hui peut être un investissement dans votre tranquillité future.

 

4. Transformer la fossilisation en outil de transmission

La donation et la succession purgent la plus-value latente.
Les héritiers reçoivent les titres à leur valeur au jour du décès, et la future plus-value repart de cette base.
Une stratégie particulièrement pertinente lorsque l’horizon se compte en générations plutôt qu’en années.

Nous arrivons en période de Noël et si cette année vous offriez quelques actions à vos petits-enfants ?

 

 

Deux logiques d’investissement complémentaires

 

Il ne s’agit pas de choisir « le meilleur » mais l’enveloppe qui correspond le mieux à votre patrimoine, vos projets et votre horizon. Une chose demeure : faire c’est prendre le risque de se tromper. Ne rien faire aussi.

 

Notre équipe accompagne régulièrement des investisseurs dans la structuration de leur allocation entre PEA et compte-titres, en tenant compte de leur situation patrimoniale globale, de leurs objectifs et de leur stratégie d’investissement.

 

Nous restons à votre disposition pour analyser avec vous la meilleure structuration de vos investissements financiers.

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