Donation-partage : l’outil pour prévenir les conflits familiaux

Article rédigé le jeudi 16 octobre 2025.

L’ouverture de succession peut être un élément déclencheur de conflits familiaux. Des frères et sœurs qui ne se parlent plus, des procédures qui s’éternisent, des patrimoines immobilisés pendant des années. Les causes ? Parfois, des donations mal anticipées, des valorisations contestées, des déséquilibres perçus comme des injustices.

Face à ces écueils, un outil juridique efficace offre une réponse : la donation-partage. Loin d’être une simple donation, elle constitue un véritable acte de prévoyance familiale qui fixe les règles du jeu dès aujourd’hui et préserve la paix entre héritiers.


Sommaire

  1. La donation-partage : bien plus qu’une simple donation
  2. Les conditions et les règles à respecter
  3. Les avantages stratégiques majeurs
  4. Les contraintes à connaître avant de se lancer
  5. Quand et comment mettre en œuvre une donation-partage ?
 

1) La donation-partage : bien plus qu’une simple donation

 

Un mécanisme distinct de la donation simple

La donation simple permet de transmettre de son vivant un bien à un ou plusieurs enfants. Utile… mais potentiellement source de complications : au décès, ces donations sont rapportées à la succession, à la valeur au jour du partage/succession, d’après l’état au jour de la donation (sauf stipulation contraire). C’est souvent là que naissent les tensions.

La donation-partage, elle, organise immédiatement le partage entre les héritiers réservataires qui y concourent. Chacun reçoit un lot, défini et valorisé le jour de l’acte. Cette évaluation est figée pour l’imputation et la réduction (et non au décès comme en donation simple), ce qui neutralise les variations ultérieures de valeur entre les participants.


L’avantage décisif : le “gel des valeurs”

C’est la force de la donation-partage : les biens sont évalués au jour de l’acte et cette valeur sert de référence définitive pour l’imputation et, le cas échéant, la réduction.

Cas pratique. En 2025, M. Prévoyant a trois biens et trois enfants :

  • Paul reçoit un appartement (300 000 €) dont il s’est chargé de l’entretien et de travaux afin de le rendre attrayant
  • Marie reçoit une maison (300 000 €) dont elle s’est assurée de ne rien faire
  • Sophie reçoit un portefeuille titres (300 000 €) dont elle a suivi la gestion

En 2045, au décès : l’appartement vaut 600 000 €, la maison 250 000 €, le portefeuille 450 000 €.

Avec une donation simple, les valorisations actuelles réouvrent les débats. Paul et Sophie pourraient être « sanctionnés » pour leur bonne gestion en devant indemniser leur sœur.

Avec la donation-partageentre les enfants qui ont participé à l’acte, on ne revoit pas les valeurs : chacun conserve son lot tel qu’arrêté en 2025. Il est seul responsable de ce que celui-ci est devenu.

Nuance importante : si tous les enfants (réservataires) n’ont pas participé, le gel des valeurs n’est pas opposable à l’héritier omis ; l’acte reste valable mais la protection est moindre à son égard. Par ailleurs, l’action en réduction demeure possible si la réserve héréditaire n’a pas été respectée.

 

 

2) Les conditions et les règles à respecter

 

Qui peut réaliser une donation-partage ?

  • Un parent seul peut donner ses biens propres.
  • Deux époux peuvent faire une donation-partage conjonctive (acte commun portant sur leurs biens communs et/ou propres).
  • Les partenaires de PACS et concubins ne peuvent pas donner conjointement dans un même acte : ils peuvent seulement donner séparément.
 

Obligation d’équité… pas forcément d’égalité

La donation-partage n’impose pas des lots strictement égaux. Elle doit respecter la réserve héréditaire de chacun ; au-delà, une inégalité motivée est licite.

Rappel de la réserve (2025) :

  • 1 enfant : réserve 1/2 ; quotité disponible 1/2
  • 2 enfants : réserve 2/3 (1/3 chacun) ; quotité disponible 1/3
  • 3 enfants ou + : réserve 3/4 (à se partager) ; quotité disponible 1/4

Exemple. Mme Patrimoine a trois enfants et transmet la totalité de son patrimoine, soit 900 000 € :

  • Aîné : 400 000 € (reprise de l’entreprise)
  • Cadet : 250 000 €
  • Benjamin : 250 000 €La réserve globale est 675 000 € (225 000 € chacun). Chacun reçoit au moins sa réserve : l’inégalité est valable.
 
 

3) Les avantages stratégiques majeurs

 

Prévenir les conflits

En fixant dès l’acte la composition des lots et leurs valeurs de référence, la donation-partage réduit fortement les risques de contestation ultérieure entre participants.

Elle permet également d’éviter les situations d’indivisions entre les enfants. Les lots attribués à chacun d’entre eux à l’occasion de la donation ne peuvent être des quotes-parts indivises d’un bien.

Optimiser fiscalement par étapes

La donation-partage peut s’inscrire dans une stratégie échelonnée :

  • Abattement en ligne directe : 100 000 € par parent et par enfantrenouvelable tous les 15 ans.
  • Possibilité de fractionner les transmissions pour rester dans les tranches basses du barème.
 

Intégrer les petits-enfants : la transgénérationnelle

La donation-partage transgénérationnelle permet aux grands-parents de gratifier directement les petits-enfants avec l’accord préalable des enfants (qui acceptent qu’une partie de leur vocation passe à leurs propres enfants). Utile pour aider au bon moment (études, premier achat) et fluidifier la transmission.

Elle permet également d’utiliser les abattements de 31 865€ prévus pour des donations entre des grands-parents et des petits-enfants. Abattement qui n’existe pas en matière de succession.

Donation-partage avec réserve d’usufruit

On peut ne transmettre que la nue-propriété, en conservant l’usufruit (usage et revenus).

  • Fiscalité : la nue-propriété est valorisée selon l’âge du donateur (barème fiscal).
  • Pratique : le donateur garde l’usage ou les revenus ; à son décès, la pleine propriété se recompose sans droitssupplémentaires lorsque l’usufruit s’éteint naturellement.

Barème fiscal (nue-propriété / usufruit) — repères usuels :

  • < 21 ans : NP 10 % / Usufruit 90 %
  • 21–30 ans : NP 20 % / Usufruit 80 %
  • 31–40 ans : NP 30 % / Usufruit 70 %
  • 41–50 ans : NP 40 % / Usufruit 60 %
  • 51–60 ans : NP 50 % / Usufruit 50 %
  • 61–70 ans : NP 60 % / Usufruit 40 %
  • 71–80 ans : NP 70 % / Usufruit 30 %
  • 81–90 ans : NP 80 % / Usufruit 20 %

91 ans : NP 90 % / Usufruit 10 %

Cas chiffré. Mme Rentière, 62 ans, possède un portefeuille titres de 600 000 € (20 000 € de dividendes/an).

Elle donne la nue-propriété à ses deux enfants et conserve l’usufruit.

  • Valorisation fiscale à 62 ans : NP = 60 %, soit 360 000 € au total → 180 000 € par enfant.
  • Après abattement de 100 000 €base taxable = 80 000 € par enfant.
  • Droits de donation (barème en ligne directe) ≈ 14 194 € par enfant.
  • Elle conserve ses 20 000 € de dividendes/an ; au décès, les enfants deviennent pleins propriétaires sans nouveau droit à payer sur la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété.
  • Les lots issus de la donation-partage ne sont pas rapportables ; l’évaluation est figée au jour de l’acte pour l’imputation/réduction (sous réserve des conditions rappelées).
 
 

4) Les contraintes à connaître avant de se lancer

 

Un acte irrévocable

À la différence d’un testament, la donation-partage est irrévocable. Les rares causes de révocation : ingratitudeinexécution des charges, ou naissance d’un nouvel enfant (dans des conditions encadrées). D’où l’importance d’anticiper et de ne pas se démunir excessivement.

Un coût notarié à intégrer

Acte notarié obligatoire :

  • Émoluments réglementés (dégressifs selon la valeur),
  • Droits de donation (après abattements),
  • Droits de partage dans certains cas (donation-partage cumulative, réalisation par actes séparés de la donation et du partage, incorporation dans la donation-partage de donations antérieures, etc.)
  • Contribution de sécurité immobilière pour les biens immobiliers,
  • Frais divers (formalités, états, copies).Pour un ensemble de 600 000 €, compter quelques milliers d’euros d’émoluments, à mettre en regard des économies fiscales possibles et, surtout, de la sécurisation familiale.
 

Une vision patrimoniale globale

La donation-partage s’inscrit dans une stratégie d’ensemble :

  • Quel patrimoine de sécurité pour la retraite/dépendance ?
  • Quel équilibre entre enfants si leurs situations divergent ?
  • Quels biens prioriser (fort potentiel, revenus réguliers) ?
  • Articulation avec l’assurance-vie, l’IFI, l’entreprise le cas échéant, etc.
 
 

5) Quand et comment la mettre en œuvre ?

 

Les bons moments

  • Étapes de vie : il n’y pas de moment idoine, mais certains évènements peuvent déclencher une prise de conscience ou la question de l’opportunité de le réaliser : un départ à la retraite, une succession et une réorganisation du patrimoine, une volonté de simplifier, etc.
  • Contexte familial : enfants autonomes, petits-enfants à aider, tensions à désamorcer.
  • Opportunités : cession d’entreprise, liquidités exceptionnelles, valorisations momentanément basses.
 

Les étapes d’une donation-partage réussie

  1. Réflexion familiale : dialogue, clarification des objectifs, acceptation d’éventuelles inégalités justifiées.
  2. Analyse patrimoniale : inventaire, valorisations réalistes, choix des biens à transmettre.
  3. Optimisation juridique & fiscale : simulations, vérification des abattements disponibles, choix du démembrement si pertinent.
  4. Acte : projet du notaire, relectures, signature (idéalement avec tous les réservataires).
  5. Suivi : conservation des originaux, information des interlocuteurs (banque, notaire habituel), mise à jour de la stratégie globale.
 

Un acte de prévoyance avant d’être fiscal

Les bénéfices fiscaux existent, mais l’objectif premier reste la clarté et la paix familiale. Mieux vaut un patrimoine transmis dans la transparence qu’un patrimoine plus élevé transmis dans l’incompréhension.

La donation-partage mobilise des enjeux juridiques, fiscaux, familiaux et psychologiques. L’accompagnement par des professionnels (notaire, conseiller en gestion de patrimoine, et parfois médiateur familial) est souvent un investissement de sérénité.

Notre équipe accompagne régulièrement des familles dans ces moments clés : analyse de la situation, exploration des options (simples, transgénérationnelles, démembrées), chiffrages et coordination avec le notaire pour une donation-partage ajustée à vos objectifs.

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